Les conséquences en France du règlement européen sur le soja zéro déforestation
La mise en application du règlement européen de lutte contre la déforestation, que la Commission européenne propose une nouvelle fois de repousser, va poser des défis opérationnels importants pour le soja. Il pourrait entraîner des surcoûts « conséquents », et impliquera de nouvelles contraintes administratives pour les agriculteurs français.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
L’Union européenne travaille à l’interdiction de la mise sur le marché européen de produits (1) issus de terres déboisées après le 31 décembre 2020. L’application du « Règlement déforestation de l’Union européenne » (RDUE), initialement prévue à partir du 30 décembre 2024, a été repoussée d’un an. Et la Commission européenne a proposé le 23 septembre dernier de la reporter d’un an supplémentaire, de la fin de 2025 à la fin de 2026. Ce délai n’est pas assuré : le 2 octobre, plusieurs ONG et entreprises agroalimentaires (2), dont Ferrero, Mars et Nestlé, ont appelé la commissaire à l’environnement à ne pas reporter ce règlement qui « sape la confiance dans les engagements réglementaires de l’Europe ».
99 % du soja mondial est non-déforestant
Quel sera l’impact de ce règlement sur la disponibilité en soja et en tourteaux de soja en France ? Selon une étude (3) publiée par Terres Univia, l’interprofession des huiles et protéines végétales, le 19 septembre 2025, « la grande majorité du soja mondial serait aujourd’hui conforme aux exigences » de ce règlement. Ainsi, « 99 % de la production mondiale de soja est considérée comme non-déforestante ».
Aussi, l’étude affirme ainsi que « l’approvisionnement du marché européen en soja non-déforestant n’est pas un enjeu de volumes disponibles ». Toutefois, « la mise en conformité de l’offre avec les nouvelles exigences réglementaires soulève des défis opérationnels majeurs, y compris pour le soja européen et français, soumis aux mêmes règles. »
« Pour les agriculteurs français, ce sont des contraintes en plus qui n’apportent pas de valeur ajoutée », relève Alexandre Bonaton, responsable de secteur chez la coopérative Terre Comtoise. « Juste pour avoir le droit de vendre le soja aux organismes stockeurs, il faudra qu’ils apportent la preuve que la parcelle n’est pas déforestée. » Par ailleurs, « sur des zones remembrées récemment, cela peut arriver. »
Chaque parcelle géolocalisée
Le RDUE instaure en effet des exigences importantes en termes de traçabilité. « Avant leur mise sur le marché, les organismes stockeurs devront effectuer une “déclaration de diligence raisonnée” (DDR) sur le système d’information pour la Commission européenne, en précisant en particulier la géolocalisation de toutes les parcelles de production », explique Claire Ortega, chargée de mission pour Terres Univia.
Selon l’étude, les acteurs sud-américains disposent déjà d’outils de traçabilité performants, contrairement à d’autres régions productrices, « notamment les pays d’Afrique et d’Asie exportateurs de soja bio et non-OGM ». Celles-ci « pourraient rencontrer des difficultés à poursuivre des flux commerciaux », signalent les auteurs.
Des surcoûts « conséquents »
L’application de ce règlement pourrait entraîner des surcoûts « conséquents » chez les acheteurs européens, estime l’étude publiée par Terres Univia. Ils seront liés à la main-d’œuvre et les outils digitaux nécessaires. L’étude note que le surcoût actuellement pratiqué pour la vente de tourteaux de soja tracé et certifié non-déforestant est de 30 à 50 $/t.
L’interprofession a diffusé une note d’information plus détaillée à destination des opérateurs (triturateurs, fabricants d’aliments du bétail…).
(1) Sont concernés les bovins, le cacao, le café, le palmier à huile, le caoutchouc, le soja et le bois, ainsi que leurs produits dérivés.
(2) Alliance pour la préservation des forêts, Association technique internationale des bois tropicaux, Cérélia, CID, Exott, Fair Trade Advocacy Office, Ferrero, Interholco, Mars Wrigley, Nestlé, Olam Agri, Precious Woods, Rainforest Alliance, Rougier, SIPH, Socfin/Sogescol, Solidaridad, Tony’s Chocolonely, Voice Network.
(3) Financée par Sofiprotéol, avec les cotisations interprofessionnelles de la filière des huiles et des protéines végétales et réalisée par le cabinet Oraé Géopolitique, avec l’appui de chercheurs de la Faculté des sciences naturelles de l’Université de Buenos Aires.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :